La marche, c’est toute une science !
Francis LecompteMettre un pied devant l’autre, rien de plus simple en apparence. Les chercheurs en neurosciences et en biomécanique vont pourtant de surprise en surprise, comme lorsqu’ils découvrent que l’on peut (presque) se passer de notre cerveau pour marcher. La médecine suit tout cela de très près : la marche fournit en effet des indicateurs précis et fiables pour mieux détecter certaines maladies.
« Vous allez effectuer une quinzaine de pas vers le fond de la salle, puis faire demi-tour et revenir au point de départ. » Tellement simple ! Ce n’est sans doute qu’un petit échauffement, avant de passer aux choses sérieuses. On se met donc en marche tranquillement sur le sol recouvert de dalles intelligentes, comme on irait vers la machine à café, mais l’assistant scrute déjà avec la plus grande attention l’écran de son ordinateur. Quelques allers-retours plus tard, un coup d’œil aux graphiques qui s’affichent sur l’imprimante suffit pour comprendre que l’exercice n’est pas une banale promenade de santé. Longueur et fréquence des pas, écartement des pieds, force du corps sur le sol à chaque mouvement, délai de réaction au moment de faire demi- tour… : c’est un nombre étonnant de données qui s’accumulent.
Quand on nous invite à suivre la vidéo en 3D d’un étudiant foulant un tapis roulant, bardé de capteurs de la tête aux mollets, et que l’on observe tous les mouvements des hanches, du genou et du pied, jusqu’aux poussées des muscles du marcheur, transformé en silhouette bionique, le doute n’est plus permis. Ces instants passés dans le laboratoire de l’Institut des neurosciences cognitives et intégratives d’Aquitaine (Incia), à l’université de Bordeaux, nous font entrevoir que mettre un pied devant l’autre est un exercice beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît !
Nous n’avons encore rien vu. Deux étages plus haut, dans le laboratoire qui jouxte le bureau de Jean-René Cazalets, le responsable de la plateforme d’étude de la motricité, on découvre que marcher n’est ni une activité consciente, directement pilotée par le cerveau, ni une activité réflexe des muscles des jambes, comme on l’a cru jusqu’au début du XXe siècle.(…)