Fabiola Gianotti nous ouvre les portes du Cern
Nicolas BakerÀ la frontière franco-suisse, le Cern pilote les plus grands instruments scientifiques du monde. Fabiola Gianotti, sa directrice, nous a accueillis dans ce temple de la physique qui a permis de découvrir le boson de Higgs.
« Christophe Colomb a pris des risques en voulant trouver l’Inde. Puis il s’est retrouvé en Amérique. L’exploration de l’espace a aussi comporté des risques. C’est ainsi qu’on avance, qu’on fait des progrès. Si on sait déjà ce que l’on va trouver, ce n’est pas la peine d’investir, on connaît déjà la réponse. Ce que l’on fait s’appelle de la recherche parce qu’il s’agit d’explorer l’inconnu. » Fabiola Gianotti ne mâche pas ses mots lorsqu’il s’agit de défendre la recherche fondamentale. Cette physicienne de 56 ans dirige depuis 2016 l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire. Le Cern, plus grand centre de recherche en physique des particules du monde, annonçait le 4 juillet 2012 la découverte tant attendue du boson de Higgs. La particule permet d’expliquer pourquoi certaines particules ont une masse et d’autres n’en ont pas. Cette prouesse humaine et technique couronne le travail de milliers de scientifiques du monde entier. C’est au Cern que se trouve le LHC (Large Hadron Collider), le plus puissant accélérateur de particules en fonctionnement aujourd’hui, qui prend la forme d’un anneau circulaire de 27 kilomètres de circonférence. Il a été construit à cheval entre la France et la Suisse, près de Genève. Tout est démesure dans cette institution de recherche, qui mobilise plus de 3 000 employés à plein temps. À cela, il faut ajouter 13 000 scientifiques de 110 nationalités différentes qui pilotent les instruments installés sur l’accélérateur et travaillent sur les données recueillies.
Italienne, vivant en Suisse et parlant un français impeccable, Fabiola Gianotti incarne le melting-pot qui fait la richesse de ce laboratoire si particulier. Se promener sur le site parmi un foisonnement d’accents, de visages et de cultures rappelle à quel point la science est l’aventure de tous les humains. « L’amour de la connaissance, c’est quelque chose qui va au-delà des intérêts de pays, d’individus, de régions, souligne la physicienne. C’est une colle très forte. C’est comme pour l’art. » (...)