« Biodiversité : il n’est pas trop tard pour agir »
Entretien avec BrunoDavid
Propos recueillis par Philippe Testard-Vaillant
Selon Bruno David, président du Muséum national d’histoire naturelle, Homo sapiens pousse les écosystèmes terrestres vers une crise majeure, accentuant notamment les risques de pandémie. Mais la solution est encore entre nos mains.
La crise de la biodiversité, dont vous décrivez les prémices dans votre livre À l’aube de la sixième extinction, ne provient-elle pas de notre manière de voir et de comprendre le monde ? Alors que nos lointains ancêtres chasseurs-cueilleurs se pensaient comme immergés dans la nature, ne nous sommes-nous pas extraits de la nature, « dé-naturés » ?
Bruno David (1). Le fait est que, depuis des millénaires, nous avons tendance à nous percevoir comme extérieurs et supérieurs au reste de la nature. La conscience que nous avons de nous-mêmes, contrairement au platane planté par Buffon en 1785, que j’aperçois de mon bureau du Muséum et qui ne sait pas qu’il existe, nous a amenés à nous dire qu’il y a nous, les humains, d’un côté, et tous les autres êtres vivants, de l’autre. À cause de ce dualisme Homme-Nature encore trop prégnant, notre empreinte sur la planète n’a cessé de s’intensifier. Tant que nous étions 500 millions sur Terre, il n’y avait pas de problème majeur.
Notre impact était limité et localisé. Mais aujourd’hui que nous sommes près de 8 milliards, la pression que nous faisons subir à la biodiversité est beaucoup plus forte, sachant que l’empreinte écologique d’un Américain du Nord est nettement supérieure à celle d’un Européen ou d’un Africain (l’écart est de 7 à 4 et à 1).
Alors que les cinq vagues d’extinctions massives que la Terre a connues au cours des 500 derniers millions d’années ont toutes été causées par un événement naturel comme un volcanisme important ou l’impact de météorites, la crise actuelle a pour origine certains comportements d’une espèce de bipèdes à sang chaud plutôt nombreux : Homo sapiens. Plus exactement, cette crise est multifactorielle. Comme dans Le Crime de l’Orient-Express, il y a plusieurs coupables, tous liés à l’Homme : la démographie galopante, l’étalement urbain synonyme d’artificialisation des sols, la surexploitation des ressources océaniques, l’agriculture intensive, la déforestation, les pollutions en tous genres, l’introduction d’espèces invasives, le changement climatique…
À lire
À l’aube de la 6e extinction. Comment habiter la Terre, Bruno David, Éd. Grasset, janvier 2021.
Note
[1] Paléontologue, spécialiste de l’évolution et de biologie marine, Bruno David est président du Muséum national d’histoire naturelle. Directeur de recherche au CNRS, il a aussi dirigé l’unité Biogéosciences (CNRS/Université de Bourgogne Franche-Comté).
Selon Bruno David, président du Muséum national d’histoire naturelle, Homo sapiens pousse les écosystèmes terrestres vers une crise majeure, accentuant notamment les risques de pandémie. Mais la solution est encore entre nos mains.
La crise de la biodiversité, dont vous décrivez les prémices dans votre livre À l’aube de la sixième extinction, ne provient-elle pas de notre manière de voir et de comprendre le monde ? Alors que nos lointains ancêtres chasseurs-cueilleurs se pensaient comme immergés dans la nature, ne nous sommes-nous pas extraits de la nature, « dé-naturés » ?
Bruno David (1). Le fait est que, depuis des millénaires, nous avons tendance à nous percevoir comme extérieurs et supérieurs au reste de la nature. La conscience que nous avons de nous-mêmes, contrairement au platane planté par Buffon en 1785, que j’aperçois de mon bureau du Muséum et qui ne sait pas qu’il existe, nous a amenés à nous dire qu’il y a nous, les humains, d’un côté, et tous les autres êtres vivants, de l’autre. À cause de ce dualisme Homme-Nature encore trop prégnant, notre empreinte sur la planète n’a cessé de s’intensifier. Tant que nous étions 500 millions sur Terre, il n’y avait pas de problème majeur.
Notre impact était limité et localisé. Mais aujourd’hui que nous sommes près de 8 milliards, la pression que nous faisons subir à la biodiversité est beaucoup plus forte, sachant que l’empreinte écologique d’un Américain du Nord est nettement supérieure à celle d’un Européen ou d’un Africain (l’écart est de 7 à 4 et à 1).
Alors que les cinq vagues d’extinctions massives que la Terre a connues au cours des 500 derniers millions d’années ont toutes été causées par un événement naturel comme un volcanisme important ou l’impact de météorites, la crise actuelle a pour origine certains comportements d’une espèce de bipèdes à sang chaud plutôt nombreux : Homo sapiens. Plus exactement, cette crise est multifactorielle. Comme dans Le Crime de l’Orient-Express, il y a plusieurs coupables, tous liés à l’Homme : la démographie galopante, l’étalement urbain synonyme d’artificialisation des sols, la surexploitation des ressources océaniques, l’agriculture intensive, la déforestation, les pollutions en tous genres, l’introduction d’espèces invasives, le changement climatique…
À lire
À l’aube de la 6e extinction. Comment habiter la Terre, Bruno David, Éd. Grasset, janvier 2021.
Note
[1] Paléontologue, spécialiste de l’évolution et de biologie marine, Bruno David est président du Muséum national d’histoire naturelle. Directeur de recherche au CNRS, il a aussi dirigé l’unité Biogéosciences (CNRS/Université de Bourgogne Franche-Comté).