Ondes gravitationnelles : les coulisses d’une découverte
Nicolas BakerLe 11 février 2016, des chercheurs annoncent au monde entier qu’ils ont enfin détecté les fameuses ondes gravitationnelles prédites par Albert Einstein. Récit de cette découverte qui ouvre une nouvelle fenêtre sur l’Univers.
Campus d’Orsay. 9 h 00. C’est un lundi comme les autres pour Patrice Hello, physicien du Laboratoire de l’accélérateur linéaire (LAL). Il a consacré toute sa carrière à la quête des ondes gravitationnelles, ces tremblements de l’Univers provoqués par des événements cosmiques ultraviolents. Depuis leur description par Albert Einstein en 1915, on n’a que des preuves indirectes de leur existence. Patrice Hello et ses collègues chercheurs ou ingénieurs du LAL tentent de la confirmer depuis des années, en développant les instruments les plus sensibles du monde. Ils ont ainsi largement contribué à la construction de Virgo, le détecteur européen d’ondes gravitationnelles installé près de Pise, en Italie. Ils étudient et développent notamment des kilomètres de tubes à ultravide, dans lesquels circulent des lasers, des composants fondamentaux des détecteurs d’ondes gravitationnelles actuels. Ils appartiennent également à la collaboration LIGO-Virgo, vaste entente scientifique américano-européenne à l’écoute de cette musique cosmique qui échappe à l’humanité depuis des décennies. Nous sommes le 14 septembre 2015 au matin et le signal tant attendu s’apprête à atteindre notre planète. Il va secouer le monde scientifique sur son passage.
Le signal tant attendu va secouer le monde scientifique sur son passage.
11 h 50 de l’autre côté de l’océan Atlantique. Un instrument scientifique géant installé en Louisiane aux États-Unis mesure, pour la première fois dans l’histoire, une vibration de l’espace. Pendant une fraction de seconde, l’instrument se déforme. Il se rallonge et s’amincit. Puis il se raccourcit et s’élargit. La déformation se répète une dizaine de fois. La même chose se produit sept millisecondes plus tard à 3 000 kilomètres de là, dans le détecteur de Hanford, dans l’État de Washington. En Italie, Virgo, le troisième instrument du réseau, est quant à lui en cours de maintenance. Le système d’alerte de LIGO, détecteur américain d’ondes gravitationnelles, se met en branle. Il sélectionne et enregistre l’événement dans la base de données GraceDB (…)